Allotissements : l’animateur chantier devient incontournable

Métropole : un troisième projet de construction d’envergure accueille un « animateur-facilitateur de chantier »

Entre les trois nouveaux bâtiments de trois et quatre étages encore en béton brut mais déjà vitrés, il faut se faufiler entre les fosses des bassins de rétention et les monticules de terre.

Au 8 de la rue du Dauphiné, dans le troisième arrondissement de Lyon, le chantier de l’ambitieux projet Evasyon (1), mené par la Société de la Tour Eiffel et Vinci Immobilier, accueille une vingtaine d’entreprises, toutes lancées dans la deuxième phase.

Casque bleu sur la tête, barbe rousse finement taillée, et sourire omniprésent, Mathieu Bouchard déambule au milieu de tous, serre les mains, écoute, plaisante, mais surtout observe. Il regarde tout. Les va-et-vient, ce qui traîne, ce qui entrave, ce qui peut boucher la seule voie d’accès au chantier. Une pelle passe chargée de terre : « c’est ton dernier chargement ? » lance-t-il au pilote. « J’espère ! »

Nous sommes sur un chantier en allotissement, ce qui signifie que les 50 à 60 personnes qui y travaillent au quotidien – entreprises et sous-traitants – ne se connaissent pas tous, loin de là, et n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Mathieu, tout juste trente ans, est là pour eux.
Mathieu est le gestionnaire (ou animateur) de chantier. Un job créé et pensé par l’association « Construire Pro », présidée par Didier Lenoir et dirigée par David Helleux dont l’objectif est simple : « fluidifier à travers une présence humaine quotidienne – mais sans autorité légale – tous les échanges entre les différents acteurs présents sur le chantier ».

Avec autant de corps d’état présents sur les 12 500 m2 de ce site urbain où figuraient avant démolition un vieux bâtiment de bureaux et un parking, sa mission prend tout son sens. 

« Mon travail évolue avec le chantier » juge-t-il.  « Pendant la phase de gros œuvre je faisais beaucoup de logistique, il y a une seule voie d’accès pour les camions : il fallait anticiper les allées et venues, créer un planning pour le grutier dont tout le monde avait besoin. Là on entre dans le second œuvre, j’ai beaucoup plus de gestion humaine au sens large. Je crée du lien entre les compagnons, car les douze lots sont parfois sous-traités par plusieurs entreprises. Je fais le lien aussi entre la partie OPC-maîtrise d’ouvrage et les compagnons qui arrivent sur le chantier, afin de pouvoir avancer correctement. Dans le cas d’un allotissement, les équipes ne se retrouvent pas dans un entre-soi comme dans un groupement, l’animateur chantier aide à créer cet entre-soi ».

Comme Zbigniew Kolek sur le vaste programme de rénovation de l’école Centrale d’Écully et Alexandre Vacher sur le projet Plug & Play à Limonest, le job de Mathieu est avant tout de « mettre de l’huile » dans les rouages complexes d’un chantier aux intervenants multiples.

Mais il fait plus encore.
C’est lui qui gère les livraisons, les trafics et les flux, via un outil logistique créé par Construire Pro – il réceptionne toutes les demandes de livraisons du chantier, les organise et planifie sur deux semaines. Les flux peuvent être extrêmement problématiques en centre-ville, avec les réactions des riverains.
C’est lui qui vérifie les cartes d’identification professionnelle des compagnons afin de lutter contre le travail illégal. C’est lui qui gère les bennes des déchets et rédige les rapports pour Construire propre. C’est lui qui reprend parfois les chefs de chantier afin que leurs équipes ne laissent rien traîner avant de partir afin d’éviter le recours à des sociétés de nettoyage.
Et enfin et surtout, c’est lui qui tente de résoudre tous les petits problèmes quotidiens qui empoisonnent la vie d’un chantier et font parfois exploser le compte prorata. Un ascenseur en panne ? Il appelle. Une porte de vestiaire décrochée et laissée à même le sol ? Il appelle. Un électricien se présente sans trop savoir où aller ? Il le guide… 

Yann, chef de chantier chez Fontanel : « Mathieu a un rôle clef. Il organise, anticipe les choses pour le bon déroulement et la vie du chantier en général. Nous avons besoin de lui pour la circulation des véhicules, la gestion des livraisons dont les retards, des changements de planning… En résumé, il me décharge ».

Ludovic, chef de chantier plomberie chauffage pour Hervé Thermique : « Il nous change la vie pour l’organisation du chantier… Je l’appelle par exemple parce que je ne sais pas où décharger mon matériel, il gère tout de suite. Nous avons eu beaucoup d’appro en début de chantier et nous travaillons avec beaucoup de sous-traitants. Je m’occupe de mes équipes, et lui de moi ».

« J’aime la dimension que j’ai pris ici en tant que décisionnaire et j’ai de l’appétence à prendre des responsabilités. Dès que l’on m’appelle, je dois intervenir dans le bon sens », résume Mathieu qui a suivi un parcours atypique avant de se retrouver animateur de chantier. « J’ai commencé par la Finance, j’ai deux Masters, mais il y a cinq ans, je ne me suis pas senti en réussite dans mon quotidien professionnel, ce que je faisais manquait de sens. J’ai trouvé en intérim un job de ménage de chantier, puis de missions en missions, je me suis orienté vers la menuiserie, poseur, conducteur de travaux, chargé d’affaires… Et me voilà rue du Dauphiné ».

« Mathieu règle plein de petites problématiques journalières » renchérit David Helleux, directeur de Construire Pro, « mais cumulées sur seize / dix-huit mois de chantier, cela fait beaucoup de micro-actions qui font gagner beaucoup de temps au final, et donc d’argent même si ce n’est pas quantifiable ».

De 7h à 15h chaque jour de chantier, Mathieu veille à tout. C’est l’essence même de sa mission. Sa présence rassure la maîtrise d’ouvrage, mais aussi tous les chefs de chantiers qui se succèdent sur place. Et cela n’a pas de prix.

Rahim Diallo, OPC : « L’intérêt d’un animateur-chantier est très important surtout sur des chantiers d’envergure où il y a beaucoup de flux et de lots à gérer. Nous avons ici une vingtaine de lots, cela fait beaucoup d’entreprises et d’interlocuteurs. Gestion des flux, gestion quotidienne du chantier avec beaucoup d’humain à gérer, nous nous appuyons quotidiennement sur lui. Et quand quelque chose ne va pas, il s’adresse à nous et à la maitrise d’ouvrage souvent présente sur ce chantier ».

Luc Tomassetto, conducteur de travaux, Fontanel : « Nous avons trois lots sur le chantier : berlinoise, gros œuvre et façades. Dans le lot gros œuvre, nous avions l’installation de chantier et la gestion du compte prorata interentreprises avec mise à disposition d’un « homme trafic » pris en charge par le compte prorata. Nous avons choisi et proposé d’élargir la mission de cet homme trafic et prendre un animateur-chantier, plus polyvalent. Il est autonome sur ses missions et fait le lien entre les entreprises, la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage pour faire en sorte que cette « grande marmite » fonctionne bien. Sur des allotissements, l’animateur-chantier est une excellente solution.

Arthur Liegey, directeur de programme et Laetitia Janin, responsable de programme, Vinci Immobilier : « L’animateur-chantier est un apport indéniable pour les entreprises, la maîtrise d’œuvre, et la maîtrise d’ouvrage. Grâce à sa présence journalière sur l’opération, il a une proximité avec les équipes intéressantes pour nous, il gère des petites problématiques en direct, accueille nos preneurs… et travaille conjointement avec le coordonnateur SPS, l’accompagne lors de ses visites hebdomadaires et s’empare du suivi des recommandations. C’est pour nous un « homme ressource » nécessaire à partir d’un certain volume de travaux, d’autant plus dans le cas d’un allotissement en corps d’état séparés et d’une localisation en plein centre de Lyon ».

Evasyon

Lancé par la Société de la Tour Eiffel et Vinci Immobilier, le projet Evasyon développera 5 000 m² de bureaux, une résidence étudiante de 86 logements rétrocédée à un bailleur social lyonnais et une résidence de coliving de 146 logements. Cette dernière sera opérée par BIKUBE, filiale de VINCI Immobilier. Il sera livré au 3ème trimestre 2024.
Doté d’un haut niveau de certification, HQE excellent, BREEAM excellent, Wire score Gold, BBC Effinergie pour la partie bureaux (production chaud/froid par géothermie) et NF habitat HQE pour la résidence, l’ensemble vise également le label Biodivercity. Réalisé sur un terrain actuellement entièrement artificialisé, ce programme sera renaturé grâce à une approche durable, qu’il s’agisse du réemploi lors des phases de curage/déconstruction et de construction, ou de l’aménagement de nombreux espaces verts : 1 200 m² d’espaces en pleine terre seront créés ainsi qu’un cœur d’îlot paysagé en lieu et place de l’ancien parking extérieur en béton.