Sagas familiales : 18 – Les Charroin, 130 ans sur les toits, quelle aventure !
Deux, trois, quatre générations et parfois plus encore. Le monde du BTP regorge d’histoires familiales où le mot transmission est écrit en lettres capitales. Transmission de valeurs, de savoir-faire, de l’art de construire tout simplement, synonyme de don de soi, de sens, et de fierté.
A la fédération BTP Rhône, les sagas familiales de certains adhérents sont connues, d’autres moins. Nous avons donc décidé de vous présenter sous forme de série quelques-unes d’entre elles.
1898-2025. Plus d’un siècle d’histoire. Quatre générations. Là-bas, entre Brignais et Vourles, la famille Charroin est connue et reconnue depuis le début du XXe siècle…
Une belle aventure.
Aujourd’hui, demeure à Brignais le grand magasin « Gedimat Charroin », qui distribue des matériaux et outils de toutes sortes pour le BTP ; et à Vourles, caché derrière un virage de la route de Charly, les ateliers et bureaux de « Charroin Toitures », qui comme son nom l’indique fait dans la charpente, la couverture-zinguerie, mais aussi l’ossature bois et le bardage.
C’est ici que nous nous rendons. A la rencontre de Vincent et de Valérie-Anne Charroin, époux à la ville et bien connus des adhérents de BTP Rhône pour leurs mandats. Valérie-Anne est présidente des groupes Femmes départemental et régional ; Vincent est président de la chambre territoriale Rhône-Sud.
L’engagement, une fibre familiale depuis quatre générations.
Né en 1874 à La Versanne (42), Jean Charroin – le premier Jean de la saga il y en a un par génération – est une figure. Un personnage de roman. Un synonyme de résilience, même si le mot n’était pas encore à la mode.
Orphelin de père à 7 ans, il est placé à 11 ans chez son oncle et sa tante à Brignais quand sa maman monte à Paris pour devenir cuisinière…
Il sera berger à la ferme du château Pothin tout en suivant les cours à la communale.
Trois ans plus tard, il entre en apprentissage dans une entreprise de Menuiserie-Charpente de Brignais. Et début 1898 après son Service militaire, et un Tour de France hors compagnonnage, il monte à Paris « travailler sur les ouvrages de la future exposition universelle de 1900, et notamment sur la grande roue des Anglais ».
La même année, il a l’opportunité de racheter un atelier de menuiserie à Brignais, entreprise vite rebaptisée « Les Établissements Jean Charroin ». Il n’a que 24 ans.
L’art de la charpente-menuiserie ne quittera plus la famille.
En 1914, l’entreprise compte trente ouvriers.
En 1928, ils sont plus de cent.
Toujours à Brignais, mais route d’Irigny, en bordure de la voie ferrée. Car Jean Charroin a considérablement développé l’activité : outre la charpente-couverture et la menuiserie, il s’est lancé dans le négoce de bois et matériaux de construction, et puis dans la scierie et l’exploitation forestière. Bref, il est présent sur toute la verticalité de l’activité bois. Il est même un précurseur dans la construction en ossature bois avec la réalisation des « baraques Adrian », qui servaient sur le front d’hôpitaux de campagne ou d’abris pour les soldats.
Entre temps, il s’est marié en 1900 avec Marie Coquet – il faut la citer car elle a tenu la maison pendant les conflits – ils ont eu huit enfants, quatre garçons et quatre filles.
Des hommes de la cité
Avant d’évoquer les autres « Jean », leurs frères, et puis Vincent bien sûr, il faut s’arrêter un peu sur ce parcours hors norme, qui ne manquera pas d’influencer les générations futures.
D’abord l’engagement. A l’actif de Jean Charroin : en 1903 création du syndicat des Maîtres-Ouvriers en bâtiments de Brignais ; en 1908, construction des « BAINS » à Brignais, afin que les habitants démunis puissent venir se laver. Création de la Coopérative des Familles Nombreuses pendant la première guerre…
Un entrepreneur né, mais également un homme de la cité.
Ses enfants et petits enfants, eux, s’investiront énormément dans le compagnonnage, dans la formation des apprentis.
Vincent Charroin a conservé ce savoir-être, il y a toujours des compagnons du Tour de France route de Charly. Et il fait de l’apprentissage une philosophie : « si nous voulons faire perdurer nos métiers, si nous voulons augmenter la qualité de nos entreprises, il faut que toutes les entreprises forment des jeunes ».Lui aussi, ses mandats à BTP Rhône en sont la démonstration, est « homme de la cité ».
Autre point, essentiel pour comprendre la réussite de la saga Charroin : un matériel toujours à la pointe de la technologie. « Nous avons toujours été concurrentiels grâce à nos outils de fabrication », note Vincent Charroin. « Ici, aujourd’hui je peux faire du volume, je peux tailler de la charpente comme un industriel, sans être un industriel. Et puis nos compagnons savent tout faire, ils sont polyvalents, de la taille à la pose ».
Et enfin, ce goût inné d’entreprendre. Voir sa famille conduire l’entreprise depuis son enfance gomme peurs et préjugés. L’exemple des générations précédentes forge le successeur. Vincent : « J’ai toujours travaillé ici quand j’étais jeune, j’aime le bois, la charpente. Même quand je travaillais ailleurs, je faisais des plans, j’ai même créé un programme pour mon père afin de l’aider à faire des calculs de dimensionnement des charpentes. Bref, je suis « né dedans » et je voulais absolument être entrepreneur, être le patron de mon entreprise, avec l’idée de faire ce que je veux ».
En 1928, Jean qui vient de perdre son épouse s’associe avec ses enfants. Jeanne, Simon, Pierre, Jean (le 2eme), et René, seront employés chez “ Jean Charroin et ses fils”.
En 1954, à la mort de Jean le 1er, les quatre fils prennent la suite. La SARL tient trois ans avant d’être scindée en deux entités : l’Entreprise Charroin, charpente-menuiserie, avec Jean et Simon ; Charroin SA avec Pierre et René, pour le négoce de bois et matériaux de construction, la scierie-caisserie.
Sur la route de Charly
En 1969, le fils de Jean le 2eme – encore un Jean mais il se fait appeler Gérard – décide de séparer l’activité charpente de la menuiserie. Il s’installe à Vourles sur un terrain mieux adapté.
Nous y sommes. 1998, Vincent, fils de Jean-Gérard, intègre l’entreprise, deux ans après sa femme Valérie-Anne qui ne devait rester que quelques mois… Diplômé de l’école d’ingénieurs de Saint-Etienne, Vincent a d’abord travaillé pour « une entreprise qui faisait de la maintenance dans les hôpitaux, bâtiments et matériel. On installait même des blocs opératoires… Je gérais, les techniciens, le personnel, une cinquantaine de personnes ».
En 2003, ce sont eux deux qui prennent les rênes. Ainsi nait « Charroin Toitures ».
« Après la Mâche, mon père s’est spécialisé avec un BTS dans la construction bois, la charpente. Il faisait de la rénovation, et aussi du monument historique… Il était très doué techniquement, un passionné. Il travaillait surtout pour les particuliers en charpente couverture zinguerie. Aujourd’hui nous faisons principalement du marché public, à 75% environ. Beaucoup de constructions ossatures bois avec des charpentes traditionnelles, pour des écoles, des gymnases… Nous voulons des projets qui nous enthousiasment, qui donnent de la fierté à nos vingt salariés ».
En arrivant dans l’entreprise en 98, et malgré toutes ses années d’apprentissage aux côtés de son père, Vincent repart presque de zéro mais fait vite souffler un vent de modernité. « J’ai mis en place le dessin assisté par ordinateur. Et en 2000, j’ai emmené mon père en Allemagne pour acheter notre premier centre de taillage numérique. Avec ce matériel de pointe, nous avons décidé de nous relancer sur les appels d’offres publics. Et puis nous avons beaucoup construit ici : les bureaux et salles de vie du personnel, avec le bureau d’études bien sûr, et les ateliers de charpente et de zinguerie, ergonomiques et modernes. Pour réaliser des projets de haute technicité, des « moutons à cinq pattes », il est essentiel d’être super bien équipé ».
1898 – 2025. Bientôt 130 ans… Que dirait Jean Charroin, dit « le 1er », de cette aventure ?
À lire dans l’édition du 20 novembre 2025 du Journal du BTP
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