Pourquoi la ressource en eau est l’affaire de tous !

Comment captiver des artisans et chefs d’entreprise du BTP sur l’eau, dans notre région où coulent « trois fleuves », alors que nos robinets ne sont jamais à sec, pas plus que nos tuyaux d’arrosage, juste interdits parfois d’utilisation quelques jours par an au plus fort de l’été ?
Avec le talent, l’implication, le sens de la formule des deux intervenants venus à la Maison du BTP à la mi-juin livrer leur expertise sur le sujet : Laurence Borie-Bancel, présidente du directoire de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) et Erik Orsenna, académicien, économiste, président d’Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF). Édifiant. Et préoccupant.

Évidemment, l’amphi de la Maison du BTP était comble pour ce – court – moment de sensibilisation où expérience et expertise ont fait souvent « mouche ». Morceaux choisis.

Erik Orsenna :

« Je participe à très peu de conférences, mais à de nombreuses réunions de travail, notamment sur les TP, les canalisations, le logement. Vos métiers ne me sont donc pas étrangers. S’il y a une priorité dans notre pays c’est le logement. Je suis convaincu de la priorité à se loger. Quand on ne se loge pas, c’est la misère, et donc l’anarchie ».

« L’eau est nécessaire partout, on ne se rend pas compte. C’est le solvant absolu. Elle permet de transporter à toutes les échelles, de la cellule à la planète ».
« L’eau c’est évidemment aussi la température ».
« L’eau est nécessaire à tout le monde, à l’agriculture mais aussi aux mines, très consommatrice, et puis à l’Intelligence Artificielle, qui a besoin d’eau pour refroidir ses serveurs, les data center, comme les centrales nucléaires. La question de l’emploi de l’eau est donc centrale, avec ses contradictions ».
« Nous avons en France une dette de non renouvellement des équipements, comme nos canalisations ».

« Cela fait vingt ans que je me penche sur le sujet de l’eau. L’eau est une matière première. Mais pour sensibiliser les gens il faut des personnages. C’est là ou l’écrivain rejoint l’économiste. Il permet de passer d’une matière première un peu abstraite, l’eau, à un personnage, le fleuve ou la rivière. Et c’est pour cela que nous avons créé l’association « Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves », avec le soutien de la CNR.

Et de nous emmener avec lui dans une « petite promenade » sur les conflits mondiaux liés à l’eau… Turquie, Égypte, Inde et Bangladesh, avec l’importance des barrages dans l’hydrodiplomatie.

« Vous êtes des entrepreneurs, la dimension pour vous de l’eau sera de plus en plus cruciale » a-t-il conclu, « mais notre association est à votre disposition ».

Laurence Borie-Bancel :

« « L’eau c’est la vie » a écrit Saint-Exupéry ».
« La question de l’eau vous concerne. L’eau est matière première N°1 des industriels, même si les prélèvements du fleuve Rhône sont d’abord pour l’agriculture et l’eau potable. L’industrie prélève 1% de l’eau qui transite dans le Rhône, hors refroidissement des centrales nucléaires ».
« La ressource en eau est clef, la CNR en est au centre, puisque le Rhône produit un quart de l’hydroélectricité française, avec dix-neuf aménagements au fil de l’eau, de la Suisse à la Méditerranée ».
« Nous avons également mission de navigation, l’eau sert à transporter et je vous invite à utiliser le Rhône, et mission d’accompagnement de l’irrigation pour l’agriculture, avec 400 prélèvements d’eau pour alimenter des canaux ».

« La réduction des débits du Rhône en été pose la question du stockage qui n’est pas un gros mot. Il faut stocker, dans le sol, dans des réservoirs, dans la végétation ou même dans des méga bassines. La guerre décrite par Érik est déjà chez nous, dans le sud, avec le projet d’irrigation des Pyrénées orientales, avec des risques d’impacts sur la Camargue… »

« Demain il y aura moins d’eau, adapter ses process est obligatoire. Même si la consommation en eau a énormément baissé en vingt ans, du fait de la désindustrialisation et des efforts de sobriété de ceux qui restent ».

Trois questions à Antoine Proton, président de Stracchi (Travaux eau, canalisations, assainissement), présent à la conférence.

Quels enseignements avez-vous retiré de cette conférence ?
Quoi qu’il arrive, la ressource en eau va se raréfier. Il y a aujourd’hui des territoires français en cruel déficit d’eau, qui alimentent leurs réservoirs par camions-citernes, ce qui n’est pas le cas dans le département tant que le fleuve Rhône assure les mêmes débits. A cela s’ajoutent des problèmes de qualité de l’eau, notamment avec les PFAS, il y a des secteurs très impactés, notamment sur notre département. En fait, nous avons un double sujet, quantitatif et qualitatif.

Erik Orsenna a évoqué les canalisateurs, dont vous faites partie. Comment se portent les canalisations de notre territoire ?
Cela va globalement bien, ce n’est d’ailleurs plus un sujet politique. Et le département du Rhône figure plutôt parmi les bons élèves. Il faut continuer à investir dans l’eau, à renouveler les réseaux en augmentant dès aujourd’hui leur taux de renouvellement, en le passant de 1% – soit environ 40 km chaque année sur la métropole lyonnaise – à 1,3 ou 1,5%. Pour cela, il faut que les budgets « eau potable » des collectivités restent sanctuarisés, afin que l’eau continue de payer l’eau, puisque selon la loi tous les travaux sur le réseau d’eau potable sont financés par la facture d’eau payée par chaque abonné. Mieux nous entretenons le patrimoine et mieux nous maîtrisons les fuites, les casses. Et donc les factures.

L’eau c’est aussi l’assainissement. Encore un sujet d’actualité…
L’objectif aujourd’hui est de sortir les eaux pluviales, les eaux de ruissellement, des réseaux d’assainissement. Cela signifie rendre la ville perméable et fonctionner avec un minimum de réseau. L’eau qui ruisselle sur les surfaces imperméabilisées comme les toitures ou les voiries, doit pouvoir être infiltrée au plus près de là où elle tombe…

À lire dans l’édition du 3 juillet 2025 du Journal du BTP