Cécile Ferrara : « Pour les acteurs de l’immobilier, le véritable enjeu sera de tenir les dix-huit prochains mois »

Cécile Ferrara : « Pour les acteurs de l’immobilier, le véritable enjeu sera de tenir les dix-huit prochains mois »

Au sein de la fédération BTP Rhône et Métropole, vingt-six chambres syndicales réparties sur cinq sections et quatre chambres territoriales, œuvrent au plus près des adhérents. Nous avons choisi de diriger le projecteur sur chacune de ces chambres et sections en posant sensiblement les mêmes questions à chacun des présidents. 

Cécile Ferrara dirige INOVEAM, société de promotion immobilière issue du groupe Brunet (Ambérieu-en-Bugey), qu’elle a rachetée en décembre 2021. Elle est depuis le début de l’année présidente de la chambre Construction Immobilière.

Quel a été votre parcours avant de racheter INOVEAM ?

J’ai travaillé pendant vingt ans dans le logement social, en maîtrise d’ouvrage et développement, chez les trois principaux bailleurs lyonnais. Et après quatre ans chez Habitat et Humanisme comme directrice adjointe, j’ai intégré – par cooptation – INOVEAM en 2016. INOVEAM était une des filiales du groupe Brunet, filiale spécialisée dans le lotissement et ensuite la promotion. J’ai pu racheter l’entreprise il y a deux ans, c’est aujourd’hui une société de promotion qui travaille sur Rhône-Alpes, qui fait encore un peu de lotissement puisque c’est notre histoire.

Comment se porte la promotion aujourd’hui ?

C’est un secteur devenu difficile, avec des facteurs d’entrée complexes comme le prix du foncier toujours élevé. Ou le financement du logement social, dont un pourcentage toujours plus important est imposé dans presque toutes nos opérations immobilières sans que son prix d’achat ne soit vraiment réévalué malgré les contraintes réglementaires toujours plus fortes comme la RE 2020.

Et la flambée des coûts des matériaux ?

Elle a entraîné des prix de construction devenus affolants, avec pour nous une difficulté supplémentaire : entre le moment de l’acquisition du foncier et la livraison de l’opération, il se passe au moins trois ans, trois ans pendant lesquels les coûts ont explosé, ce qui va jusqu’à mettre en péril certaines opérations. D’autres critères sont à prendre en compte dans la crise que nous connaissons : la solvabilité des clients, avec des taux d’intérêt qui s’envolent, le resserrement des critères de délivrance des prêts et les exigences des banques sur les apports, ce qui pousse le client à devenir attentiste plutôt que pro-actif, à la fois pour l’achat et la vente.

Êtes-vous sauvés si l’on peut dire par le tertiaire ?

C’est un secteur qui a plutôt progressé pendant la période post-covid mais qui souffre également aujourd’hui, hormis sur les centres d’affaires des zones urbaines. De grosses difficultés s’annoncent, car beaucoup de locaux ont été construits mais pas encore loués. Il est à penser que les difficultés sur ce secteur restent à venir…

Dans un tel contexte, le volontarisme politique est-il la solution ?  

Le gouvernement actuel n’a hélas pas de politique du logement. Emmanuel Macron considère que le marché doit s’auto-réguler par lui-même sans intervention de l’État. Le Pinel va arriver en fin de vie en 2024 et, sans incitation, il va devenir très difficile d’attirer les investisseurs ; enfin les prêts à taux zéro pour les primo-accédants sont maintenant octroyés sur des zones resserrées ; bref aucune mesure incitative à l’achat n’est donnée par l’État, alors que viennent se greffer sur nos projets – et c’est bien normal – des exigences en matière environnementale comme la zéro artificialisation nette qui réduit de facto la possibilité de construire.

Vu le contexte encore une fois, cette présidence de chambre n’est pas un « cadeau » ?

La conjoncture n’est pas simple en effet, même s’il reste de grands projets à réaliser sur la métropole mais surtout sur l’ensemble des territoires de Rhône-Alpes. Certes les données actuelles ne sont pas en faveur d’un secteur immobilier euphorique, et 2024 s’annonce compliquée, mais on peut espérer que le marché se réajuste doucement de lui-même et/ou par une impulsion politique… notamment s’il y a une prise de conscience sur le manque de logements, qui pour rappel est la priorité n°1 des Français, et donc sur la nécessité d’accompagner le secteur.

Quelle est la lettre de mission confiée par vos adhérents ?

Nous sommes une trentaine d’adhérents. L’orientation de ma présidence sera avant tout de fédérer cette chambre, composée d’adhérents historiques et de quelques nouveaux. Certains ne participent pas aux réunions mais sont demandeurs des services de la fédération, il s’agit donc pour moi de réimpulser une dynamique pour que cette chambre syndicale puisse assoir sa représentativité et développer sa visibilité au sein des instances publiques. Mon prédécesseur Gérald Fontanel m’a demandé de donner une impulsion nouvelle à la chambre, en interne comme sur l’extérieur en montrant à nos partenaires toute notre diversité, à la fois des personnes et des savoir-faire.

Comment se portent les entreprises de vos adhérents ?

Nous avons deux ou trois collègues en difficulté mais qui sont en passe de les régler, en revanche coté CMistes nous constatons les premières défections. Cela dit, pour tous les acteurs de l’immobilier le véritable enjeu sera de tenir les dix-huit prochains mois car nous sommes vraiment actuellement dans le dur : il n’y a rien à vendre et il ne se vend vraiment rien.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 27 juillet 2023