Crise de l’Energie : quelle stratégie en matière d’énergies, électricité et gaz

Crise de l’Energie : quelle stratégie en matière d’énergies, électricité et gaz

Particulièrement bien venue dans un contexte éprouvant, l’intervention d’un expert sur les contrats d’énergie des entreprises a eu lieu le 24 janvier dernier au siège de la fédération. Comme chacun le sait, les entreprises ne bénéficient plus de tarifs réglementés en électricité depuis le 1er janvier 2021, et en gaz depuis le 1er décembre 2020. Certains ont donc vu leurs factures exploser et suivent avec attention les actualités et les aides proposées par le gouvernement.

Antoine Gianina : « En énergie, le mot-clef est « anticipation » 

Antoine Gianina, dirigeant de Sanergie, dont le métier consiste entre autres à simplement « vérifier les factures d’énergie », a d’abord précisé le contexte de crise énergétique pour mieux l’appréhender, avant d’expliquer comment comprendre ses factures et contrats, et donner des pistes pour anticiper ses achats futurs ou bénéficier d’aides. Une intervention édifiante et inspirante. Interview.

Quel est le principal problème que rencontre une entreprise de BTP face aux coûts de l’énergie ?

Leur fulgurante et importante augmentation ! Électricité comme gaz. Ces coûts sont devenus de véritables problématiques pour les entreprises. Pour schématiser, nous sommes passés de EDF-GDF hier avec un marché règlementé et plutôt calme, facile à anticiper, à un marché libéralisé devenu aujourd’hui – comme pour les assurances ou le téléphone – un poste qu’il faut surveiller pour que les coûts ne s’envolent pas. L’énergie est même devenue un sujet stratégique pour ceux qui consomment beaucoup.

De quelle nature sont ces hausses ? Électricité et gaz ?

Les deux sont fortement corrélés. Les factures peuvent avoir plus que doublé. Il existe un bouclier tarifaire pour les particuliers mis en place par le gouvernement, auquel ont accès les petits consommateurs professionnels (< 36KWA), comme les artisans par exemple. Mais dès que l’entreprise réalise de la transformation de matière, les factures ont pu exploser.

Qu’avez-vous conseillé aux entrepreneurs présents ?

J’ai d’abord voulu leur faire comprendre ce qui se passait. Avec le marché libéralisé, certains entrepreneurs ont procédé à une mise en concurrence, avec plus ou moins de succès. Quel que soit le fournisseur, l’opération était gérable, mais depuis un an, de grosses surprises sur les tarifs ont pu apparaître. Je leur ai donc conseillé de se saisir du sujet ! La situation ne va pas s’arranger, les entrepreneurs doivent s’y intéresser, comprendre leur contrat. Il faut absolument profiter de cette période pour surveiller son prix de l’énergie.

Je suis un entrepreneur sans DAF ni personnel dédié, je n’ai pas le temps de me replonger dans mes contrats, à qui puis-je demander d’effectuer ce travail ?
A un courtier. Le courtier va gérer le contrat, il le renégociera, et il fera l’interface avec les mastodontes que sont les fournisseurs d’énergie. Il pourra aussi anticiper sur le marché. Mais attention, il faut bien choisir son courtier. Il faut éviter celui qui ne fera que « vendre » son client comme un apporteur d’affaires en se rémunérant sur l’opération. Il faut quelqu’un de véritablement indépendant qui se rémunère directement auprès de son client, seule garantie d’un conseil impartial.

Avez-vous abordé également les économies d’énergie ?

Les économies de kW/H sont des investissements, décidés par des financiers qui demandent un temps de retour sur investissement pour se prononcer. Or sans maîtrise exacte du prix, ce temps est faux. Avant de se lancer dans des projets d’économies, l’entrepreneur doit donc d’abord commencer par maîtriser son prix et ses achats. Il doit aussi regarder de près les taxes, le prix d’accès au réseau, et la partie fourniture, dans laquelle il y aussi des aspects vraiment techniques comme les droits d’ARENH. Personnellement, je ne fais pas de travail sur l’efficacité énergétique, les parties chauffage-éclairage et process. Ce sont d’autres métiers. Mais sur la consommation, j’ai la capacité de récupérer les données des compteurs, de les décortiquer, de les mettre sous forme de graphique, ce qui permet de sortir des éléments sur lesquels il faut impérativement travailler, comme les talons de consommation de nuit et de week-end. Combien me coûte en énergie mon entreprise quand personne n’y travaille ? C’est souvent impressionnant.

Combien votre fonction conseil coûte-t-elle ?

Cela va dépendre de la taille de l’entreprise. La technicité mise en œuvre n’est pas la même. Nous nous rémunérons uniquement au pourcentage des résultats obtenus donc j’invite tous les dirigeants et directeurs qui nous lisent à nous contacter et à nous challenger dans un premier temps sur leurs factures et contrats d’énergie actuels et antérieurs.  Il y a de fortes chances que nous revenions vers eux avec de bonnes nouvelles concernant les économies à réaliser ou à récupérer !

Quelles ont été les principales questions qui vous ont été posées ?

On m’a demandé par exemple si les prix de l’énergie allaient continuer à monter ou à baisser : je n’en sais rien. Je suis sûr en revanche que le prix de l’énergie que l’on a connu il y a trois ans ne sera pas celui que l’on connaîtra dans trois ans. La fin de l’abondance est valable aussi pour l’énergie. On rentre dans un univers énergétique qui va devenir de plus en plus contraint.

Il y a urgence, pour conclure ?

Il y a urgence. Et il y a, dans chaque entreprise, moyen de faire des économies. Mais il faut absolument que les chefs d’entreprise songent à se faire accompagner dès maintenant, il leur faut anticiper, et ne pas rester dans la réaction. Ils ne doivent surtout pas attendre. En énergie, le mot-clef est « anticipation ». Il faut anticiper, longtemps à l’avance. Même si l’entreprise a signé un contrat pour les trois ans à venir. Il faut faire de la gestion de risque. En matière d’énergie, comme en finances, il faut se couvrir. Il est important, comme dans d’autres domaines complexes, d’être accompagné par un expert sur ce sujet.

Frédéric Patru : « nous avons mis en place un plafonnement des températures de chauffage »

Frédéric Patru est le PDG d’Entreprise Patru, une société de déco-rénovation (37 salariés) dont le siège et l’atelier sont à Charbonnières. L’entreprise Patru travaille pour des particuliers, l’hôtellerie, des institutionnels, des collectivités locales, et aussi avec de nombreux cabinets d’architectes.

Qu’est-ce qui vous a amené à participer à cette réunion sur l’énergie ?

J’avais beaucoup d’interrogations sur l’évolution des prix de l’énergie, un sujet dont je ne m’étais jamais vraiment préoccupé puisqu’il ne faisait pas partie des achats stratégiques de l’entreprise. L’idée était déjà de comprendre la composition de ma facture d’électricité, et voir les leviers d’action que nous pouvions avoir en termes de négociation. Je sais aujourd’hui sur quelles touches appuyer en termes d’aides et autres par rapport à notre activité, notre type d’abonnement, notre niveau de consommation, etc…

Quels sont vos gros postes de consommation, vous avez un show-room, « Espace Couleur » ?

Ce n’est pas le show-room qui consomme le plus, c’est le chauffage de l’atelier de peinture et de montage en menuiserie, l’aspiration centralisée, les machines… Aujourd’hui, nous avons un abonnement à 78 KWA, nous sommes éligibles à un plafonnement de prix, nous avons fait la demande, notre dossier est pris en compte, mais nous sommes tellement nombreux à en avoir monté un que le retour se fera attendre. A priori, nous n’avons pas intérêt à changer de prestataire, nous savons juste que notre facture va augmenter mais pas exploser.

Vous avez déjà pris des mesures en interne de réduction de la consommation ?

Avant la crise, nous avions déjà isolé un peu plus nos combles, dans le cadre d’une rénovation de nos bureaux. Pour le reste, je n’ai pas l’intention de tout casser pour tout refaire, l’amortissement serait loin d’être garanti. Je viens de relancer cela dit un cabinet d’ingénierie pour qu’il étudie l’installation de photovoltaïque sur la toiture du bâtiment d’entrepôt. Et dans l’immédiat, nous avons mis en place un plafonnement des températures de chauffage, des cycles de chauffe avec des coupures et des baisses de températures le week-end ou la nuit… Nous avons fermé dix jours à Noël, j’ai coupé le chauffage.

Est-ce que votre visibilité sur l’activité à venir dans le contexte inflationniste vous permet d’investir ?

Nous avons comme d’autres un début d’année en demi-teinte car nous travaillons beaucoup avec une clientèle de particuliers qui nous fait moins travailler sur de petits projets, deux ou trois pièces à rénover. Nous ressentons bien qu’il y a une perte de pouvoir d’achat pour beaucoup de gens. Les gros projets de rénovation complète pour les particuliers, les chantiers pour les institutionnels se maintiennent. Cela n’est donc pas évident d’anticiper, même si la visibilité dans nos métiers n’est traditionnellement que de quelques mois.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 16 mars 2023