ZFE : nous n’avons pas des moyens illimités pour suivre le « rythme écologique », Eric BOUVARD

ZFE : nous n’avons pas des moyens illimités pour suivre le « rythme écologique », Eric BOUVARD

Dès le 1er janvier 2021, les véhicules professionnels dépassant la vignette « crit’air 2 » ne pourront plus circuler sur Lyon, Villeurbanne intra-périphérique et Caluire, soit sur la ZFE (Zone à Faibles Émissions) délimitée par la Métropole.
En 2026, tous les véhicules, particuliers compris, fonctionnant au diesel ou dépassant « crit’air1 » seront interdits sur une zone encore plus large, selon les récentes annonces du Président de la Métropole. Fort de nombreux mandats, Éric Bouvard, PDG de l’entreprise éponyme (plomberie-chauffage-couverture-zinguerie, siège à Vaulx-en-Velin), président de la chambre « Génie Climatique Plomberie » de BTP Rhône-Métropole, très investi dans les dossiers de la mobilité, explique combien ce rendez-vous de 2026 est intenable en l’état.

 

Dès janvier prochain, la flotte des entreprises devra afficher « critair 2 » au maximum sur les parebrises. Les entreprises du BTP sont-elles prêtes ?  

Partiellement. Nous pouvons estimer que 40% des véhicules seront potentiellement en infraction. A chaque fois qu’ils franchiront la frontière de la ZFE, ils risqueront des amendes de 68 à 135 euros. Les entreprises ont fait d’énormes efforts pour ce rendez-vous du 1er janvier, leur parc a été en grande partie renouvelé en moins de cinq ans en diesel répondant à la norme « crit’air 2 ». Mais il faut savoir que dans nos métiers une flotte ne se gère pas sur cinq ans mais sur dix pour les utilitaires légers, voir le double pour les véhicules nécessitant des aménagements lourds et coûteux. Les entreprises achètent en effet beaucoup plus souvent leurs véhicules qu’ils ne les louent. Parce qu’ils font peu de kilomètres sur la Métropole, et sont exposés aux aléas de la vie citadine, petits chocs et rayures. Quand il faut les rendre, la remise en état coûte une fortune. Les entreprises préfèrent donc acheter leurs véhicules et les conserver de sept à dix, voire douze ans.

 

Et pourtant dans cinq ans le diesel sera banni ? 

En 2026, soit dans cinq ans en effet, toutes les entreprises qui viennent de renouveler leur flotte en diesel pour rentrer dans le « crit’air 2 » se retrouveront en infraction. Annoncer à l’horizon de cinq ans une deuxième salve qui ruine 95% des efforts des entreprises, c’est économiquement insupportable et humainement difficile à accepter en tant qu’entrepreneur. Nous n’avons pas des moyens illimités pour suivre ce « rythme écologique », même si comme chaque citoyen de nos villes nous souhaitons une meilleure qualité de l’air. On ne peut pas opposer le temps politique et le temps dogmatique au temps économique. Si on veut avancer vers des solutions écologiques, il faut que les entreprises en aient les moyens et qu’elles puissent le faire. Un tel plan de renouvellement ne peut se décider au minimum que sur dix ans. Nous souhaitons que les décisions qui seront prises en mars prochain pour 2026 par la nouvelle présidence de la Métropole le soient dans la concertation et qu’elles soient acceptables économiquement.

 

Il n’y a pas d’alternative au diesel pour vos camionnettes ?

Pour respecter le « crit’air 0 ou 1 » vous n’avez que l’essence, le GPL, le gaz naturel véhicule ou l’électrique. J’ai fait un tour des constructeurs et étudié l’ensemble des solutions. Gaz naturel, on oublie, il n’y a qu’une pompe ou deux sur le territoire. Le GPL concerne très peu de véhicules. Restait l’essence ou l’électrique. L’essence, il y a très peu d’offre pour nos besoins, il n’y a pratiquement que Citroën qui en propose aujourd’hui. Pour l’électrique, il y a encore très peu de modèles utilitaires sur le marché. Et, surtout, très peu de modèles capables de faire plus de 120 km dans une journée, car nous roulons avec des charges lourdes. Aucune entreprise ne peut s’engager sur des véhicules avec si peu d’autonomie et donc de polyvalence. Ensuite, il faut installer des prises dans l’entreprise pour toutes les recharger. Il faut une sacrée puissance… Et enfin, ils coûtent plus chers que les véhicules essence, aides et coût d’utilisation compris. Depuis des années, nos marges sont médiocres et ne nous permettent pas de renouveler nos flottes tous les 5 ans. De plus, Il va bien falloir payer le surcoût écologique que cela représente. Et il ne faut pas se mentir, ce sera au final le consommateur.

 

Il vous faut encore plus d’aides pour envisager l’électrique ?
Plus elles seront conséquentes, plus elles rendront acceptables économiquement les changements de parcs. 5 000 euros de bonus écologique plus 5 000 euros de la Métropole pour l’électrique ce n’est pas négligeable, mais cela ne couvre même pas le surcoût à l’achat du véhicule qui est de 15 000 à 20 000 euros suivant le type de fourgonnette. Malgré les économies de coûts d’utilisation cela ne fonctionne pas. Comptez 1 000 à 3 000 euros plus cher par véhicule et par an sur 5 ans sur une base de 10 000 km par rapport au diesel. 1 à 3% du coût d’une intervention pour le client final !

©Photo de d’ Eric BOUVARD par Christophe Pouget.

Une interview à retrouver dans le JBTP du 17 décembre 2020.