Stéphane Eyraud : « Réemployer, Réutiliser, Recycler, Valoriser »

Stéphane Eyraud : « Réemployer, Réutiliser, Recycler, Valoriser »

Les deux premières « Lettre E » comme Écocitoyenneté, Écologie ou encore Environnement, ont connu un véritable succès d’audience. L’initiative de la fédération BTP Rhône et Métropole de vouloir partager avec les acteurs économiques et institutionnels ses engagements, ses interrogations, mais aussi ses solutions sur tous les sujets liés à l’économie circulaire a largement convaincu. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de faire profiter les lecteurs du Journal du BTP de la variété et la qualité des intervenants en reprenant ici l’essentiel de leurs interviewes.

La « Lettre E » d’avril-mai a choisi pour thème « Les déchets : recyclage et économie circulaire », véritable sujet d’actualité marqué par les enjeux des applications de la loi AGEC (loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l’économie circulaire). Stéphane Eyraud intervenait dans ce deuxième numéro.

Stéphane Eyraud, 52 ans, directeur général de Stracchi (canalisations), et gérant de Revaly, un centre de recyclage situé à Vaugneray, est également vice-président de la chambre de Recyclage à la fédération BTP Rhône et Métropole, seule chambre départementale en France, dont les travaux sont souvent pris pour modèle. 

« Recycler » pour une entreprise de TP, qu’est-ce que cela signifie ?

A chaque fois qu’une entreprise de TP travaille, elle produit des déchets, du béton, de l’enrobé, de la terre… Pour nous, il y a quatre mots essentiels : « Réemployer », les matériaux extraits sont utilisés sur le même site ; « Réutiliser », les excédents de chantier servent à d’autres chantiers ; « Valoriser », les terres inertes quittent le site et vont en remblaiement de carrière ou sont utilisés par le monde agricole ; et « Recycler ». Nous rentrons le béton, l’enrobé et la terre dans nos centres de recyclage. Le béton et l’enrobé sont mélangés et concassés avant d’être utilisés en remblaiement de tranchée, en plateforme de bâtiment, de parking… C’est décrit par le guide des graves de déconstruction depuis 2005. Le matériau est classé pour déterminer son emploi.

Les centres de recyclage se multiplient dans le contexte actuel ?

Le département du Rhône est très bien maillé, et c’est très difficile d’en ouvrir aujourd’hui. Il faut entre cinq et dix ans en France pour obtenir une autorisation. Notamment parce qu’il faut un site assez loin des habitations, à cause des nuisances possibles. L’important c’est vraiment le maillage afin de limiter les coûts du transport.

Que devient ce que vous ne pouvez pas revaloriser ?

Une partie de la terre peut être traitée à la chaux, ce qui la rend techniquement réutilisable. Le guide des graves chaulées de 2013 en décrit les conditions et usages. Partout où il n’y a pas de possibilité de valoriser directement la terre, je pense que ce sera l’avenir. Nous sommes prêts à utiliser cette terre et son besoin va s’imposer quand il n’y aura plus d’autres solutions. Dans le Rhône nous sommes prêts.

Mais quand vous déconstruisez, les déchets ne sont pas que béton ou terre ?

La déconstruction fait partie du monde des TP. Plus nous trierons en amont, mieux ce sera. C’est l’objet des fameux 7 flux, tri imposé par la loi : papier, bois, métal, verre, plastique, fractions minérales et plâtre. La limite à la mise en place du tri de ces flux c’est le manque de place – il faut sept bennes sur le chantier – notamment sur la Métropole où des dérogations restent nécessaires. Les bennes sont ensuite prises en charge par les plateformes de regroupement-tri, nombreuses dans le Rhône. Je rappelle que plus le tri est bien fait, moins le prix de la benne est élevé.

Pourquoi le Rhône est en avance sur le recyclage ?

C’est historique. Dans les années 90 le Rhône a commencé à faire du recyclage car dans l’ouest du département, dans le Beaujolais, il y a un manque de carrière. Il fallait trouver une solution pour réutiliser les matériaux et maitriser les coûts, notamment de transport. Il est évident que des régions qui ont des ressources énormes sont moins tournées naturellement sur le recyclage. Parallèlement, depuis 2002, la création de la chambre professionnelle de recyclage a permis de créer des règles, structurer la filière, professionnaliser le métier et rassurer les maitres d’ouvrage et bureaux d’étude. C’est une chambre vraiment dynamique et efficace.

Souffrez-vous d’un excès de réglementations ?

Oui, on va trop vite. Aujourd’hui on crée des règles difficiles à mettre en place, et les professionnels ne les connaissent pas toujours malgré nos efforts d’information auprès des maîtres d’ouvrage. Il faut partir du terrain afin de créer un outil qui fonctionne. Il y a aujourd’hui trop de règles qui finissent par des dérogations ou des reports car non applicables en l’état.

Le coût de la valorisation des déchets est-il un frein économique ?

Non. Aujourd’hui notre société a évolué. C’en est plus un. D’autant qu’avec les règles actuelles il est plus cher de ne pas valoriser.