Lionel Rousset : « Nous avons encore le sourire mais nous pouvons vite déchanter »

Lionel Rousset : « Nous avons encore le sourire mais nous pouvons vite déchanter »

Lionel Rousset dirige l’entreprise Rousset SAS (Maçonnerie et bâtiment gros œuvre depuis 1880, 20 salariés) dont le siège est à Saint-Symphorien-sur-Coise. Il est le président de la chambre territoriale de Saint-Symphorien-sur-Coise Monts du Lyonnais.

Quelle est l’étendue géographique de votre territoire ? 
Nous couvrons pratiquement toute la communauté de communes des Monts du Lyonnais. A l’Ouest, nous sommes limitrophes avec la Loire. A l’Est, nous rejoignons la chambre de l’Ouest Rhodanien et au sud la chambre territoriale de Rhône Sud.

Combien êtes-vous d’adhérents aujourd’hui sur la chambre ?

Une trentaine. Trois sont nous ont rejoints récemment. Elle est composée de PME, TPE et d’artisans, dans des secteurs d’activité comme la peinture, la plomberie, l’électricité, la maçonnerie ou encore les Travaux Publics.

 
Comment se portent-ils ?

Ils ont plutôt le sourire car nos carnets de commande sont bien garnis même si quelques signaux nous invitent à la prudence pour les mois à venir. Nous sommes sur deux à trois mois de visibilité pour les plus fragiles et jusqu’à cinq mois pour la majorité. C’est d’autant plus significatif que nous représentons tous les corps de métiers, du terrassement jusqu’au clos couvert, en passant par le maçon, le peintre, l’électricien, ou le chauffagiste.

C’est une bonne nouvelle malgré le contexte économique ?

Nous pouvons vite déchanter. La Covid, la guerre en Ukraine, l’inflation et donc la hausse des prix des matériaux, le manque de main d’œuvre… la période n’est vraiment pas facile. Le béton par exemple ne cesse d’augmenter à cause des hausses du coût de l’énergie, production et transport. L’acier, le bois… Toutes ces hausses impactent nos marges car nous ne pouvons les faire absorber dans leur globalité, même si sur notre territoire, il est possible de discuter avec nos clients. Nous avons subi des hausses sur les matières premières entre février et mai, voire des pénuries, et d’autres sont annoncées en fin d’année et janvier. Tôt au tard cela va « coincer », car nous répercutons les hausses sur nos chiffrages, mais avec un décalage sur les chantiers en cours qui met en péril nos trésoreries. Pour les chantiers futurs, avec nos prix devenus astronomiques, est-ce que nos clients – particuliers ou promoteurs – vont pouvoir suivre ? C’est l’inconnu.

A tout cela, il faut ajouter l’augmentation de la masse salariale pour que vos compagnons puissent subir l’inflation dans de meilleurs conditions…

En effet. Il faut que le chef d’entreprise soit très fin sur cet aspect de sa gestion. Car si la crise est passagère les salaires, eux, resteront. Nos prix augmentent mais pas nos marges, je l’ai dit, et il faut pourtant augmenter notre masse salariale sans que cela devienne une charge supplémentaire en cas de crise durable.

Vous favorisez alors les primes et avantages plutôt que les salaires ?

Les primes sont déjà d’actualité dans les Monts du Lyonnais, une voire deux par an. Quant aux avantages liés à la hausse des coûts des carburants, les compagnons rentrent déjà chez eux avec la camionnette… Non, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une hausse des salaires.

En résumé, vous avez le sourire jusqu’en début d’année prochaine, mais des craintes pour la suite. Tout va dépendre des réactions des particuliers et des collectivités à l’inflation ?

Nous avons la chance d’avoir une communauté de communes des Monts du Lyonnais particulièrement dynamique. Elle a beaucoup de projets et favorise le travail des entreprises locales. Mais avec les prix qui s’envolent, elle va finir par manquer de moyens pour ses investissements à venir. Chacun d’entre nous se retrouve donc sur une corde raide. Les particuliers bien sûr qui vont faire des choix, Il suffit de voir comment se porte le marché de la maison individuelle coincé entre un foncier hors de prix, des taux d’intérêt à la hausse, des coûts de construction qui explosent… Les collectivités qui voient les devis grimper, et nous qui devrons être les plus compétitifs possible en sortant une marge et en restant rentables. Il faudra s’adapter, mais nous comptons sur la solidarité du territoire.

Comment vos adhérents se préparent à gérer cette crise ?

En étant vigilants par exemple sur le recrutement, même si au vu des difficultés de trouver de bons éléments il est impossible de refuser quelqu’un, en restant réalistes sur les salaires, en surveillant nos marges malgré les difficultés à répercuter les différentes hausses. Mais je le redis, le moral des adhérents est plutôt bon, même si chacun est bien conscient de la problématique actuelle.

Quelle est la mission du président de chambre dans ce contexte incertain ?

Mobiliser les troupes, et faire prendre conscience à chacun que la fédération est présente pour nous aider à gérer les problèmes. Il faut faire comprendre qu’il faut encore se « retrousser les manches » et attendre que la crise prenne fin. En espérant que l’État trouve comment favoriser l’économie en cette période compliquée. Je pense par exemple à la fin de l’indexation du prix de l’électricité sur le gaz.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 1er décembre 2022.