Kaouthar Louail : « Si je montre que c’est possible n’importe quelle femme peut le faire »

Kaouthar Louail : « Si je montre que c’est possible n’importe quelle femme peut le faire »

La fédération BTP Rhône et Métropole a décidé en ce mois de mars 2022 de rendre hommage aux femmes engagées dans les métiers du Bâtiment et des Travaux Publics.

Kaouthar Louail, 22 ans, est apprentie chez Blanchard et Blazquez, une entreprise d’une trentaine de salariés dont le siège est à Rillieux, spécialisée dans la plomberie-chauffage et dirigée par Guénaële Chauvel. Audrey Jacquetin, est responsable RH et QHSE. Interview croisée.

Quelle est la clientèle de Blanchard et Blazquez ?

Audrey Jacquetin : Nous travaillons essentiellement pour des grosses maîtrises d’ouvrage ou des groupes comme Eiffage essentiellement en sous-traitance de plomberie. Nous faisons 80% de neuf, notamment dans du tertiaire, et 20% de plus petits chantiers ou du dépannage chez des particuliers.

Est-ce que vous recrutez beaucoup de jeunes femmes comme Kaouthar ?

AJ : J’aimerais pouvoir dire que j’ai autant de candidatures hommes que femmes à chaque phase de recrutement, mais non. Pour Kaouthar, cela a été du hasard. Quand son CV est arrivé, j’avoue que j’ai été surprise mais rapidement très intéressée. Personnellement, j’aimerais rencontrer plus souvent ce genre de situation, mais ce n’est pas le cas.

Kaouthar, comment êtes-vous arrivée chez Blanchard et Blazquez ?

Kaouthar Louail : Après mon bac S, j’ai suivi des cours de droit pendant un semestre, mais ce n’était pas pour moi, j’ai fait de la vente pendant un an et demi avant de suivre une formation à la Job Académie pour préparer un diplôme d’installateur(rice) en pompe à chaleur. Pour valider ma formation, il me fallait un stage, j’ai appelé au hasard l’entreprise… le stage m’a beaucoup plu, alors j’ai décidé de poursuivre pour un an afin de valider un CAP Installateur thermique, avant de décider si je fais un bac ou autre.

Qu’est-ce qui vous a attirée dans le métier ?

KL : le fait que tous les jours sont différents, on ne fait jamais la même chose. C’est un métier complet avec beaucoup de technicité, j’apprends tous les jours.

Comment cela se passe sur le terrain ?

KL : Cela se passe très bien. Tant qu’il y a du respect… Une fois ou deux, on m’a peut-être fait des réflexions du genre : « c’est un peu lourd pour une femme », mais je leur montre que je porte tout sur mes épaules, et ça s’arrange.

Qu’est-ce qui bloque selon vous la féminisation de ces métiers ?

KL : Franchement, je ne comprends pas. La maçonnerie et les TP je peux l’entendre, mais la plomberie, on porte une fois des choses lourdes dans la journée, le reste c’est de la technique.

AJ : Il est vrai que la maçonnerie, c’est du port de charges toute la journée. La variabilité de nos taches nous permet d’avoir de nombreuses phases sans manutention, et de laisser le cerveau travailler.

Kaouthar va devenir un exemple pour les jeunes femmes ?

AJ : Nous sommes face à deux problématiques : la première, inhérente aux métiers du Bâtiment, c’est la valorisation de notre filière comme étant un vrai métier de technicité et non une voie de garage pour des élèves en échecs scolaires. La seconde problématique est de montrer aux femmes que c’est possible, qu’elles ne doivent pas se mettre de barrières, car le secteur est capable de les accueillir.

KL : J’ai trois amies, la première m’a dit « fonce » et les deux autres m’ont dit : « tu as fait un bac scientifique, pourquoi rentres-tu dans le BTP ? » Je réponds que ce n’est pas une affaire d’intelligence. Je suis rentrée dans cette filière parce que le travail m’intéressait. Bien autant que le marketing ou la vente ! Et puis le bureau, je ne peux juste pas.

Reste-t-il quelques stéréotypes dans ces métiers du BTP ?

AJ : Oui, il ne faut pas se le cacher. En tant que référente sécurité, je descends régulièrement sur les chantiers avec mon casque et mes chaussures de sécurité. Il y a toujours un moment de flottement, on me demande si je suis l’assistante de X ou Y. Mais c’est en train de changer, nous y parviendrons.

Le mois de la femme est-il pour vous un moment essentiel ?

AJ : Pour moi c’est un combat de tous les jours. Mais cette fenêtre médiatique permet de remettre un nouveau coup de projecteur, même si pour nous qui faisons partie du groupe des Femmes dirigeantes c’est un sujet récurrent. Rappeler les sujets de fond est toujours intéressant, surtout sur des causes qui touchent à des valeurs profondes.

KL : C’est important de participer à ce mois de la femme. Au moins on évoque de vrais sujets. Moi qui suis d’origine magrébine, c’est difficile de dire que je suis dans le BTP, deux mondes qui chez nous ne se mélangent pas, comme l’huile et l’eau. Au collège ou au lycée, mon exemple peut servir. Si je montre que c’est possible n’importe quelle femme peut le faire.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 24 mars 2022.