Il y a une crise assez profonde sur les projets de grandes infrastructures, Emmanuel MALECOT

Il y a une crise assez profonde sur les projets de grandes infrastructures, Emmanuel MALECOT

Au sein de la Fédération BTP Rhône et Métropole, vingt-six chambres syndicales réparties sur cinq sections, et quatre chambres territoriales, œuvrent au plus près des adhérents. Nous avons a choisi de diriger le projecteur sur chacune de ces chambres en posant sensiblement les mêmes questions à chacun des présidents. Emmanuel Malecot, directeur délégué Infrastructures Centre-Est pour Vinci Construction France, est le président de la chambre « Terrassements Génie Civil Ouvrages » de la section Travaux Publics.

Quel est le champ de compétence de la chambre « Terrassements Génie Civil Ouvrages » ?

Nous sommes la chambre référente pour les grands travaux publics. Ce sont tous les projets d’infrastructures routières, ferroviaires, fluviales, hydro-électriques ou encore des constructions d’usines de traitement d’eau. Nos adhérents représentent tout type d’entreprise, avec de nombreuses PME. Ma fierté est que les majors sont aujourd’hui toutes représentées.

Quels sont vos donneurs d’ordre ?

Ils sont assez divers. Mais ce sont par exemple la Métropole, le Sytral, même si en ce moment nous sommes en basses eaux, les conseils départementaux, la SNCF, EDF, CNR, CEA, l’État, les sociétés de concessions d’autoroutes…

Avez-vous été victimes de la « double peine », le temps long des élections et la mise en place tout aussi longue des équipes, et la Covid d’autre part avec pour corollaire le confinement ?

Métier par métier, l’impact de la Covid est très variable. En terrassement par exemple, la Covid a assez peu impacté les chantiers, parce que les dispositions de mesures barrières ont été assez simples à mettre en place. Il n’y a pas, comme pour les constructions de second œuvre, cinquante personnes qui se croisent dans l’ascenseur. Pour le Génie civil, qui se situe entre le bâtiment et le terrassement, les chantiers ont été arrêtés, mais pas très longtemps, car nous avons pu mettre assez vite en place les protocoles. En pratique, tout le monde est resté à l’arrêt environ deux mois. Cela dit c’était variable, en fonction des clients et des entreprises.

Le plus difficile pour vous a donc été le temps exceptionnellement long des élections ?

Je pense qu’il y a une crise assez profonde sur les projets de grandes infrastructures. Sur la Métropole, nous n’avons pas cessé jusqu’au stade de l’OL d’être portés par des projets phare de grandes infrastructures qui se sont plus ou moins enchaînés : le tunnel de la Croix-Rousse, plusieurs ponts, la prolongation du métro ligne B, etc.. Aujourd’hui il n’y a qu’un grand chantier sur Lyon, c’est la prolongation de la ligne B du métro jusqu’aux hôpitaux Sud. Pour la première fois depuis une dizaine d’années, nous sommes vraiment dans une période sans visibilité pour les travaux publics. Nous en avons un peu pour les travaux de réparation – maintenance, mais il s’agit de plus petits chantiers.

D’une manière générale, cela devient très compliqué de faire de grandes infrastructures. C’est un problème sociétal. Ces élections n’ont fait que mettre au milieu de la table ce sujet qui est plus structurel qu’un changement de majorité à la Métropole. En France, la culture des administrations n’est pas formée à la co-construction et à la concertation. Le dernier bon exemple selon moi de construction d’infrastructures a été le chantier de l’autoroute A 89 entre Balbigny et la Tour-de-Salvagny où toutes les parties prenantes ont été impliquées.

Quelle est votre action pour inverser la tendance ?

Nous essayons d’instaurer un dialogue un peu plus construit avec Syntec Ingénierie pour que les associations professionnelles puissent parler de façon un peu plus itérative avec les politiques afin que renaissent des projets, quelle que soit leur nature. Il faut cesser de concerter à l’issue des quatre-cinq ans d’études des projets. Il y a un gâchis énorme de matière grise et de temps.

Vos adhérents vont pouvoir tenir en attendant les nouveaux projets ?

Nous n’avons pas encore une très bonne visibilité sur 2021. Sans crier au loup, je pense qu’il y aura des dégâts dans la profession car les entreprises ont été fragilisées. A court terme, il y a tout même des projets, notamment de la SNCF avec la rénovation de voies ferrées, ou avec les conseils départementaux qui sont de forts donneurs d’ordre sur des programmes routiers à taille humaine par exemple. Et à Lyon il y a de gros investissements à venir sur les réseaux de collectes d’eaux usées ou sur l’eau potable. Reste aussi le très beau projet du TELT (Tunnel Euralpin Lyon-Turin) qui est bien parti pour aller à son terme, avec de très gros appels d’offre en cours. Et puis sur la métropole à l’horizon de quatre-cinq ans, des lignes de tram et des autoroutes pour vélos.

Utilisez-vous beaucoup de déchets recyclés ?

Dans les marchés de terrassement les enjeux de recyclage des matériaux deviennent majeurs et ce sont des sujets très intéressants. C’est devenu la valeur ajoutée des terrassiers. Ce n’est pas toujours très simple mais beaucoup d’expérimentations vont dans ce sens-là, avec un double avantage économique et environnemental.

 

©Photo de d’ Emmanuel MALECOT par Christophe Pouget.

Une interview à retrouver dans le JBTP du 7 janvier 2021.