Florence Vantorre : « De plus en plus d’adhérents se trouvent face à une situation où ils perdent de l’argent »

Florence Vantorre : « De plus en plus d’adhérents se trouvent face à une situation où ils perdent de l’argent »

Nous les avions rencontrées juste après le premier confinement. Omniprésentes à l’époque et souvent sollicitées par les adhérents pour la reprise, les permanentes de la fédération BTP Rhône et Métropole ont montré au-delà̀ de leur engagement l’étendue de leur expertise. L’occasion pour le journal du BTP d’un focus sur chacune d’entre elles.

Interview de Florence Vantorre, juriste en droit des affaires en charge de la partie contentieux.

En quoi consiste votre travail au sein du service juridique de la fédération ?

Il y a deux volets. Un volet contentieux et recouvrement de créances et un volet conseil et accompagnement des entreprises. Pour tout ce qui est recouvrement de créances, il y a une phase amiable et, au-delà, si on ne parvient pas à recouvrer les factures, une phase où nous mettons en relation les adhérents avec les huissiers ou les avocats. 

Vous fonctionnez à la demande des adhérents ?

Oui. Les adhérents nous sollicitent pour une facture impayée, nous faisons les mises en demeure, les avis de poursuite, ou on appelle les clients pour solutionner les litiges. Ça peut être juste des mauvais payeurs ou encore des clients qui ne sont pas satisfaits des travaux et donc qui retiennent une certaine somme. Nous envoyons un courrier et en fonction du retour du client, nous adaptons nos façons de procéder avec l’adhérent. Notre travail est de l’orienter et de lui apporter des solutions juridiquement et économiquement acceptables pour lui.

C’est gratuit pour l’adhérent ?

Oui au moins toute la phase amiable. Que ce soit pour le recouvrement ou le contentieux. On propose aussi gratuitement de l’accompagner dans ses démarches auprès de l’huissier ou de l’avocat si l’adhérent ne se sent pas à l’aise avec le monde juridique. Et enfin, nous faisons le lien entre le technique et le juridique auprès de l’avocat. La seule chose que l’on demande, c’est qu’il y ait bien un devis accepté et signé, ce qui est la base du contrat.

Vous traitez combien de dossiers de ce type dans l’année ?

180 dossiers ont été ouverts en 2021, dont 78% en recouvrement, souvent sur de petits montants, le reste en contentieux. Nous avons de plus en plus de demandes d’adhérents pour intervenir sur des litiges chantiers et faire de la médiation. Ça marche très bien, nous sommes un interlocuteur neutre, ce qui permet d’instaurer un autre dialogue et d’éviter toute procédure judicaire avec un protocole d’accord. Les mauvais payeurs finissent par payer avec une injonction auprès du tribunal pour laquelle nous accompagnons nos adhérents. Mais attention, il ne faut pas oublier qu’il y a des délais de prescription pour les recouvrements : deux ans pour les particuliers, cinq pour les professionnels, ça passe assez vite, nous avons assez souvent des dossiers prescrits.

Devez-vous parfois régler des contentieux entre adhérents ?

Oui cela arrive. Chacun fait un pas, ce n’est pas forcément plus facile, mais le fait d’appartenir à la même fédération aide à trouver une solution.

Est-ce que les problématiques liées à la hausse des prix des matériaux – voire leur pénurie -poussent à une hausse de contentieux.

Pas encore. En revanche, les adhérents nous posent de nombreuses questions en amont, nous sommes dans le conseil. Nous avons d’ailleurs fait sur ces sujets de l’information auprès des adhérents, et une réunion début mai. Ils savent qu’ils peuvent nous solliciter au cas par cas.  Mais pour l’instant, nous n’avons pas eu de litiges dans ce domaine qui nécessitent de la médiation. Cela dit, on s’attend à ce que ce soit plus compliqué à la rentrée.

Comment peuvent faire les chefs d’entreprise qui voient leurs marges s’annuler ?

Pour l’instant, la solution c’est la négociation. En marchés privés, il n’y a pas d’autre choix. Nous proposons des courriers-type qui permettent d’entamer les négociations, et ensuite c’est au cas par cas. Nous proposons également des recommandations pour leurs marchés à venir. Nous leur conseillons par exemple de faire un devis avec un délai court et d’insérer des clauses de révision.

Leurs devis sont descendus à un mois de validité ? 

Il y a même des devis fournisseurs valables quelques heures seulement. Cela met les adhérents dans une position très inconfortable.

Avez-vous déjà eu des contentieux pour des chantiers arrêtés ou simplement refusés ?

Nous avons en effet des adhérents qui décident de ne pas intervenir malgré la signature du marché, ils prennent le risque de se désengager, car de plus en plus se trouvent face à une situation où ils perdent beaucoup d’argent sur un chantier. C’est alors une situation très compliquée pour le chef d’entreprise : arbitrer entre des risques juridiques et une problématique de trésorerie à court terme.