Faustine Rodrigues : « Il est important que l’on communique sur l’égalité homme-femme »

Faustine Rodrigues : « Il est important que l’on communique sur l’égalité homme-femme »

La fédération BTP Rhône et Métropole a décidé en ce mois de mars 2022 de rendre hommage aux femmes engagées dans les métiers du Bâtiment et des Travaux Publics.

Faustine Rodrigues, 36 ans, partage son temps entre l’entreprise JVM (Menuiserie Plâtrerie Peinture, à Lamure-sur-Azergues) où elle travaille quatre jours par semaine, et Pernoud Plomberie Chauffage (Alix), l’entreprise de son conjoint Ludovic au sein de laquelle elle est cogérante.

Pourquoi avoir rejoint l’entreprise de votre époux ?

Il a créé la société en 2008. J’ai toujours fait les papiers de façon officieuse, mais nous nous sommes rendu compte qu’en cas de problèmes, je ne pourrais pas prendre la main. C’est pour ces raisons que je suis devenue co-gérante en 2019. Nous sommes quatre, et je suis la seule femme de l’entreprise.

Est-ce que vous recrutez, et notamment des femmes ?

Non, nous avons embauché notre apprenti il y aura bientôt deux ans, et nous en avons un autre depuis septembre qui est en CAP. Nous aimerions le conduire jusqu’au brevet professionnel et lui proposer une embauche à l’issue. Pour ce qui concerne les jeunes filles, nous n’avons jamais reçu de candidatures en alternance. Pour l’instant, je pense que la plomberie est un des métiers où les femmes sont très peu représentées.

Comment expliquez-vous cela ?

Peut-être la difficulté physique du métier. Il y a encore aussi un problème d’image des métiers du Bâtiment, certaines habitudes et préjugés sont difficiles à faire évoluer. Je ne crois pas que beaucoup de parents soient prêts à entendre que leur adolescente va se lancer dans un job qualifié de « masculin », entourée d’hommes… Il y a encore un gros travail à faire sur notre image. On imagine facilement une femme dans un métier de bureau, il est plus difficile d’imaginer encore aujourd’hui une femme sur un chantier avec un casque sur la tête.

Avez-vous été bien accueillie dans le métier, chez JVM ?

Quand j’ai commencé à travailler en 2018, et que j’appelais les fournisseurs qui ne me connaissaient pas pour des offres de prix pour mes chantiers, on me rappelait souvent (au téléphone) en me demandant vouloir parler au patron. Ou alors j’entendais : « j’ai une question technique à poser par rapport à votre demande de prix – oui je vous écoute – vous pouvez noter et transmettre ? – Non, je vais vous répondre… ». J’ai eu très clairement besoin de faire ma place. On voit de plus en plus de femmes dans le Bâtiment à des postes stratégiques, c’est une certitude et c’est tant mieux ; des conducteurs de travaux, conducteurs d’engins, on en voit sur les chantiers, mais l’image de la femme cantonnée au poste d’assistante est encore tenace.

Est-ce que la technologie peut ouvrir des portes à l’emploi des femmes dans le BTP ?

Le matériel a heureusement fortement évolué, car les gens vont parvenir en meilleure forme à la retraite qu’il y a 20 ans ou 30 ans ; il reste cela dit des choses quand même plus compliquées physiquement pour une femme que pour un homme. Sur les chantiers, on rencontre des femmes en plâtrerie peinture, elles ont peut-être une appétence particulière pour la décoration, mais pour d’autres métiers je pense qu’il va falloir patienter encore, même s’il y a des signes que ça bouge. Un exemple, Jérôme Vermare (le dirigeant de JVM, NdlR) a eu sa première candidature féminine depuis 2008 pour de l’apprentissage.

Est-ce que le mois de la femme reste important à célébrer selon vous ?

Je pense qu’il est important que l’on communique sur l’égalité homme-femme, car je crois qu’il reste du travail à effectuer. Il est bon que l’on communique aussi sur le fait qu’une femme peut faire aussi bien qu’un homme voire mieux. Et que des femmes dirigent des entreprises avec 90% de personnel masculin, et que ce sont des entreprises qui tournent.

Si vous aviez une fille, vous lui diriez qu’il y a de beaux métiers dans le BTP ?

Mais oui ! Nous avons la chance de travailler dans un univers où on peut trouver son bonheur. Il est à ce titre essentiel d’expliquer aux parents que leur petite collégienne peut faire un stage dans une entreprise de TP et conduire une mini pelle plutôt que d’aller chez un fleuriste…

Vous appartenez à quelle chambre à la fédération ?

Au Génie climatique, et je suis membre du bureau de la chambre territoriale du Beaujolais et adhérente du groupe Femmes. Dans le groupe Femmes, on parle de tout, de la place de la femme dans le Bâtiment, et cette envie de faire bouger justement cette image de nos métiers, faire comprendre aux parents et enfants qu’ils ne sont plus les mêmes qu’il y a trente ans, qu’il y a possibilité d’évoluer, de créer sa propre entreprise… Nous parlons aussi de pilotage d’entreprise… Nos sujets quotidiens avec des femmes qui vivent la même chose, du partage d’expérience essentiel pour progresser.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 31 mars 2022.