Éric Doublier : « Ouvrir les yeux et prendre en compte les attentes des différentes générations »

Éric Doublier : « Ouvrir les yeux et prendre en compte les attentes des différentes générations »

Sur le thème récurrent, actuel et donc sensible du recrutement, le président de la Com’Form (Commission Formation) de la fédération BTP Rhône et Métropole, Éric Doublier, a convié les présidents des chambres syndicales, leurs référents formation et les membres de la Com’Form à « réfléchir aux meilleurs moyens de séduire, motiver et recruter nos futurs talents ».

L’événement a eu lieu le vendredi 21 octobre dernier à Lyon, dans les locaux des Compagnons du Tour de France et de la SEPR. L’ensemble des adhérents était invité en fin de matinée à entendre une conférence de Julien Estier, expert en management intergénérationnel, intitulée : « comment comprendre et engager les jeunes ? » Inspirant.

Quel a été le fil conducteur du séminaire sur le recrutement que vous avez organisé ?

J’ai souligné que nous n’en étions plus au constat, il y a plein de métiers sous tension, dont les nôtres. Il nous manque des vocations, des candidats pour les métiers de gestes jusqu’aux missions d’encadrement. Notre objectif n’était donc plus de nous en plaindre mais de réfléchir ensemble à comment faire autrement. 

Alors comment faire autrement ?

La première étape selon moi est de provoquer des rencontres, d’emmener des candidats potentiels – jeunes ou non – à la porte de l’entreprise. Une fois à notre porte, le BTP est apte à les accueillir et les former. C’est une tradition d’ordre culturel, chez nous plus qu’ailleurs. Pour générer cette rencontre, il est nécessaire de passer par une phase de promotion sur laquelle nous travaillons depuis très longtemps. J’ai donc proposé de faire ensemble un pas de côté, pour se dire que de nombreuses personnes – peut-être pas identifiés comme appartenant à notre secteur d’activité – disposent des potentiels pour arriver à notre porte mais ne savent pas comment procéder. Et nous-mêmes nous ne savons pas comment les identifier.

Comment cela se traduit-il dans les faits ?

Nous avons pris quatre exemples d’actions concrètes dans la matinée, soit sur des nouveaux messages de promotion à porter, soit sur de nouvelles pistes pour mettre en relation candidats et entreprises. Nous venons par exemple de finaliser le tournage d’un clip de rap réalisé par un compagnon à qui nous avons demandé comment il parlerait aux jeunes du monde du BTP. Le résultat est bluffant. Les messages sont les mêmes que ceux que nous avons rêvé de donner, mais avec ses mots à lui qui ne sont pas les nôtres. Il sera bientôt diffusé. Cela signifie que nous pensons les mêmes choses, mais que nous n’avons pas du tout les mêmes manières de les exprimer et de les diffuser.

Cela fait des années que la fédération s’engage dans la promotion des métiers, les résultats sont-ils à la hauteur ?

Si nous regardons seulement les candidats qui manquent à nos entreprises, la bouteille à moitié vide, les résultats peuvent en effet être considérés comme décevants. Pour autant, cela fait des années que les inscriptions dans nos CFA progressent de 10% chaque année, c’est la bouteille à moitié pleine. Mais il y a un tel besoin, une telle activité économique, un tel retard à rattraper, que cela ne suffit pas.

Reste vos trois autres exemples d’actions…

Nous avons demandé à trois acteurs de venir décrire de manière condensée et dynamique ce qu’ils faisaient pour faciliter les rencontres entre les candidats potentiels – insertion comprise – et le BTP. Parmi eux, Jonathan Lessig, le directeur du club de foot de la Duchère, qui possède une longue histoire d’engagement social. Il a évoqué « Ton métier c’est ton but » 2022, un gros forum qui rassemble sur le territoire des entreprises du BTP et des personnes avec un projet qualifié. Pour le deuxième pitch, Pascale Solona a présenté « Les Vitaminés de l’emploi », dont le but est d’aider des candidats et des entreprises adhérentes à utiliser chacun les bons mots pour se parler. Le troisième, Laurent Arnaud, co-fondateur de « Je ne suis pas un CV » avec lequel BTP Rhône a signé un partenariat, qui permet d’avoir accès à des profils auxquels ni les candidats ni les entreprises n’auraient pensé.

Une autre difficulté apparaîtra une fois la rencontre faite et la formation aboutie : comment les garder dans l’entreprise ? Il existe en effet du débauchage entre collègues, des velléités de créer sa propre structure, l’intérim etc… ?

La question fondamentale est en effet de fidéliser. « Comment nous les accueillons et les fidélisons » était d’ailleurs l’objet de la conférence de Julien Estier, conférence d’une grande richesse, qui nous a expliqué les voies pour comprendre les différentes générations, alpha, x ou autres… La conclusion serait de ne pas se travestir, ne pas être ce que l’on n’est pas, car l’entreprise doit répondre à des codes en termes d’objectifs ou de rentabilité, mais d’ouvrir les yeux et de prendre en compte les attentes de ces générations. Ceux qui entendront ces attentes et feront un pas vers ces différentes générations auront sans doute plus de chances de les garder et de les faire cohabiter avec les objectifs de leur entreprise.

Il faut donc former aussi les dirigeants ?

Tout à fait. Et nous avons d’ailleurs prévu de le faire, notamment à la fin du mois, avec une soirée speed-coaching. Les dirigeants qui ne veulent pas s’interroger, qui ne souhaitent pas de compromis entre leurs objectifs, leur parcours personnel, souffriront plus que les autres.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 11 novembre 2022.