Oriane Viguier : « les femmes se lanceront dans les métiers du BTP quand elles auront vu que d’autres y ont réussi »

Oriane Viguier : « les femmes se lanceront dans les métiers du BTP quand elles auront vu que d’autres y ont réussi »

La fédération BTP Rhône et Métropole a initié pour le mois de la Femme une grande série d’interviewes de femmes engagées dans les métiers du Bâtiment et des Travaux Publics.
Sur les chantiers et dans les bureaux d’études, à la tête de leur entreprise ou indispensables codirigeantes aux côtés de leur époux artisan, elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans des métiers réputés réservés aux hommes.

Nous avons décidé de prolonger ce mois jusqu’en avril puisque c’était également l’occasion de (re)demander aux adhérentes de la fédération comment elles se situent et s’organisent dans ce monde où le féminin se conjugue aujourd’hui sur tous les modes.

Oriane Viguier, présidente de Legros TP, entreprise familiale basée à Rillieux spécialisée dans les réseaux secs et humides, la petite maçonnerie et la voirie en zone urbaine, est aussi la présidente du groupe Jeunes dirigeants à la fédération BTP Rhône et Métropole.

Est-ce qu’il y a beaucoup de femmes chez Legros TP ?

Non hélas. Je n’en trouve pas. Et celles qui sont avec nous travaillent dans les services comptables, RH, ou comme assistantes. Et pas de femmes sur les chantiers… Mais pendant six mois nous allons avoir une jeune femme en Master de Génie civil, je suis très contente. D’une manière plus générale il y a plus de femmes dans le bâtiment que dans les TP où les chefs de chantier se comptent sur les doigts de la main. Nous avons été et nous sommes encore un peu limités sur les chantiers par les conditions sanitaires et d’hygiène nécessaires aux femmes. Mais il suffit de s’adapter, des entreprises l’ont déjà fait. On avance… depuis le covid notamment.

Pourquoi vouloir recruter des femmes ?

D’abord parce que nous connaissons tous d’importantes difficultés pour recruter des hommes, et qu’il est impossible de se priver de la moitié de la population apte à travailler. Ensuite parce que j’aime bien la diversité, culturelle, cultuelle, genrée. J’aimerais bien par exemple recruter une chauffeur de poids lourd, c’est un métier vraiment adapté aux femmes.

Pourquoi est-ce si difficile de recruter des femmes ?

Je pense que les préjugés sur le BTP du type : « métiers difficiles », « métiers sales », « métiers d’hommes », sont encore trop ancrés. Cela n’aide pas ! Il est nécessaire de lutter contre ces préjugés à tous les niveaux, auprès des parents, des professeurs et bien sûr auprès des jeunes femmes elle mêmes. A mon avis, les femmes se lanceront vraiment dans les métiers du BTP quand elles auront vu que d’autres y ont réussi et montré que c’était possible. Il leur faut des modèles. Et plus les modèles seront intéressants plus il y aura des candidates. Mais ce n’est pas facile d’être précurseur. Il est donc important de montrer que des femmes se construisent de belles carrières dans le BTP et sont épanouies par leur métier à tous les niveaux de l’entreprise. C’est le rôle des fédérations et des femmes du BTP elles-mêmes.

Si le BTP peine encore à recruter des jeunes, des jeunes femmes en particulier, une solution pourrait-elle être de rechercher du côté des femmes de trente ou quarante ans qui veulent se reconvertir ?

Tout à fait. Je le pense aussi. Elles arriveront de surcroit dans un milieu où il y a tellement peu de femmes qu’elles seront très bien accueillies, voire protégées. On leur demandera juste d’avoir envie d’apprendre et ensuite d’être compétentes au même titre que les hommes.

Dans ce milieu que vous évoquez il y a encore des machos ?

Oui, quand même. Mais ce n’est pas gravissime et moins généralisé qu’il y a quelques années. Je n’ai pour ma part jamais connu de manque de respect. Quel que soit mon poste.

Le mois de la femme est-il encore nécessaire de nos jours ?

Oui, cela met en lumière des sujets, notamment la parité, les salaires, la précarité, les violences, etc… Ce qui permet d’activer la recherche de solutions. S’il y a besoin d’un mois pour accélérer tout cela, alors profitons-en. Quand on voit que les femmes ont le droit d’ouvrir un compte en banque en leur nom et à travailler sans le consentement de leur mari seulement depuis juillet 1965… 1965 ! On hallucine.

Vous êtes optimiste tout de même sur la parité hommes-femmes sur les chantiers ?

Je suis lucide. Plus jeune, J’ai fait des stages notamment sur les chantiers, de TP. Le travail est tout de même très difficile, il ne correspond d’ailleurs même pas à tous les hommes. En revanche dans l’encadrement de chantiers, chauffeurs de poids lourds, chauffeurs d’engins, conducteurs de travaux, je pense que les femmes doivent postuler et sont attendues.

Il y a aussi la transmission. Des jeunes femmes postulent aujourd’hui à reprendre l’entreprise de leur papa ou de leur maman. Vous en êtes l’exemple.

Oui. Mon grand-père avait craint pour l’avenir de l’entreprise quand je suis née car il n’avait eu que des petites filles ! S’il avait su. Alors qu’aujourd’hui en effet les filles n’hésitent plus à reprendre une entreprise de BTP. Même dans le cas où elles ont un ou plusieurs frères.