Maryline Jacquin : « Je serais très fière qu’il y ait une seconde femme à la tête de l’entreprise »

Maryline Jacquin : « Je serais très fière qu’il y ait une seconde femme à la tête de l’entreprise »

La fédération BTP Rhône et Métropole a décidé en ce mois de mars 2022 de rendre hommage aux femmes engagées dans les métiers du Bâtiment et des Travaux Publics.

Maryline Jacquin, dirige SMS, une entreprise familiale d’une vingtaine de compagnons spécialisée dans la menuiserie intérieure et agencement haut de gamme, création et entretien, dont le siège est à Saint-Priest.

Avez-vous beaucoup de femmes dans votre entreprise ?

Chaque fois que des jeunes filles se présentent pour travailler, je les prends. Elles sont plus précises que les garçons, elles ont le souci du détail et du travail bien fait. J’en ai eu plusieurs, ça s’est toujours bien passé… Elles s’adaptent et nous aussi. Mais il y en a de moins en moins, je n’ai pas eu de candidates depuis longtemps. Cela dit, il y a une surenchère des entreprises au vu des problèmes de recrutement, certaines d’entre elles découvrent soudain l’intérêt de former des apprentis, d’autres débauchent nos collaborateurs malgré nos efforts salariaux. C’est devenu vraiment compliqué.

Quelles sont les qualités que vous demandez à un menuisier ?

Un bon menuisier a la tête bien faite. C’est la tête qui commande les mains. Je recherche des menuisiers qui ont la passion de leur métier, une bonne formation quitte à la compléter chez nous, et qui a l’esprit d’équipe. Les femmes sont très intéressantes dans nos métiers, car au-delà de leur méticulosité, elles apportent du goût, du raffinement. Dressing, cuisine, les garçons n’ont pas la même vision que nous. Nous sommes plus fonctionnelles.

Vous avez pris la suite de votre papa par effraction ou par envie ?

J’avais un frère pressenti pour la succession qui malheureusement s’est tué en moto. Je me suis sentie obligée de relever le défi et de le remplacer. J’ai intégré l’entreprise juste après mon diplôme d’école de commerce, et j’ai pris la gérance en 1992 quand mon père a pris sa retraite.

Comment avez-vous été reçue par le milieu du BTP ?

Dans l’entreprise, cela a été difficile avec les plus âgés qui m’avaient connue toute petite. Sur les chantiers j’étais la « fille à papa », on se demandait ce que je venais faire là… J’ai vite compris que pour voir cesser toute discrimination, toute moquerie, toute ironie, il fallait montrer mes compétences. Cela n’a pas duré si longtemps. Si vous avez du caractère et savez rester humble, et cordiale, vous êtes reconnue petit à petit. Ce genre de situation est plus rare aujourd’hui, même s’il reste quelques personnes qui souffrent d’un problème d’éducation, comme partout. Dans l’entreprise, j’essaie modestement de les faire grandir, de les aider à s’élever.

Vos enfants travaillent avec vous ?  

Mon fils est resté quatre ans, mais il a préféré travailler dans la restauration avec une de ses sœurs. La troisième est encore à l’école… Je cherche d’ailleurs un repreneur car je n’ai plus vingt ans.

Vous aimeriez que ce soit une femme ?

Sans problème ! Si elle souhaite de surcroit que je l’accompagne, je le ferai avec plaisir. Je serais même très fière qu’il y ait une seconde femme à la tête de l’entreprise. Les femmes sont tout aussi capables, il faut arrêter les discriminations ridicules et inutiles qui font juste du mal. On a bien avancé, mais il reste encore du travail…

Est-ce que le mois de la femme reste nécessaire selon vous ?

C’est toujours bien d’en parler. Mais je ne suis pas certaine que ce soit vraiment utile, d’autant que quand le 8 mars arrive, les plaisanteries fusent encore. Mais je suis incapable de dire si c’est efficace ou non.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 31 mars 2022.