Agnès Barski : « La mixité dans l’entreprise est une vraie force pour la réussite »

Agnès Barski : « La mixité dans l’entreprise est une vraie force pour la réussite »

La fédération BTP Rhône et Métropole a décidé en ce mois de mars 2022 de rendre hommage aux femmes engagées dans les métiers du Bâtiment et des Travaux Publics.


Sur les chantiers et dans les bureaux d’études, à la tête de leur entreprise ou indispensables codirigeantes aux côtés de leur époux artisan, elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans des métiers réputés réservés aux hommes. Et même si elles demeurent encore peu nombreuses sur le terrain, les chefs d’entreprise se les arrachent.
Ce mois de mars sera aussi l’occasion de (re)demander aux adhérentes de la fédération comment elles se situent et s’organisent dans ce monde où le féminin se conjugue aujourd’hui sur tous les modes.

Agnès Barski, 56 ans, est directrice administrative et financière depuis 1998 chez Toitures Barski (quinze salariés, Vindry-sur-Turdine), entreprise créée en 1991 par son mari Frédéric, spécialisée dans la charpente-couverture-zinguerie, et la construction de maisons à ossature bois.

Pourquoi avoir rejoint l’entreprise créée par votre mari ?

J’ai intégré l’entreprise en 1998, il y a 23 ans. Mon mari avait besoin d’être secondé, en administratif et en gestion. J’ai quitté quatorze années de médical dont dix comme infirmière libérale. La mixité dans l’entreprise est une vraie force pour la réussite. Avec mon mari et mon fils Robin, nous faisons une très bonne équipe. Nous les femmes, avons moins « la tête dans le guidon », nous apportons une ouverture d’esprit, une ouverture sur l’extérieur à l’entreprise, par le digital, la formation, l’environnement… On n’hésite pas à s’entourer, à communiquer. Nous apportons l’humain, et surtout on fait passer les messages beaucoup plus en douceur. Nous sommes de bons conseils avec cette « touche féminine » très appréciée de nos clients, voire sur les chantiers.

Justement, combien avez-vous de femmes dans votre entreprise ?

Nous sommes deux, mon assistante et moi. Et je prends chaque année une stagiaire du lycée de Tarare en BTS administratif pendant deux mois. Nous n’avons pas de femmes sur les chantiers.

Avez-vous essayé d’en recruter ?

Dans nos métiers de couvreurs et charpentiers, il y en a peu. Ce sont des métiers tout de même difficiles. J’en ai rencontré une, elle était passionnée, je le comprends, c’est un très beau métier. On trouve beaucoup de femmes en maître d’œuvre, ingénieur structure, dans l’encadrement des chantiers, les relations sur les chantiers sont plus respectueuses.

Mais elles doivent encoreparfois faire preuve de crédibilité auprès du genre masculin pour assurer leur légitimité.

Les stéréotypes perdurent dans votre métier ?

Pas dans les bureaux, l’encadrement mais oui encore un peu sur les chantiers, notamment avec les anciens. Une fois qu’elles sont crédibles, tout se passe bien. Je pense cela dit que la femme a toute sa place dans le travail manuel. Quelle femme n’a pas débouché son évier, passé la tondeuse ? Il faut juste que les stéréotypes évoluent.

Si une jeune femme se présentait, vous la prendriez tout de même malgré les difficultés du métier à compétences égales ?

Bien sûr. Je suis beaucoup allée dans les écoles, les collèges notamment, pour présenter le métier.

Comment avez-vous été accueillie dans le milieu du BTP ?

Très bien. Ni le monde du travail, ni l’autonomie ne me faisaient peur, j’étais facilement crédible. J’ai fait des réunions de chantier, je me souviens de ma première, un architecte réputé m’a demandé ce que je faisais là ! Je lui ai montré que je connaissais le sujet…

Pourquoi selon vous n’y a-t-il pas plus de femmes sur les chantiers ?

Il demeure des stéréotypes dans la société qu’il est nécessaire de changer. Et puis dans les collèges, les professeurs et les conseillers d’orientation ont parfois tendance à oublier le BTP. Ils ont encore un peu tendance à diriger vers le BTP des élèves en difficulté, alors des filles, c’est compliqué ! Surtout qu’elles sont souvent plus studieuses. Elles peuvent pourtant donner une réponse à notre manque de main d’œuvre. Il faut rappeler que nous avons de beaux métiers, créatifs et valorisants.

Alors que peut-on faire pour renverser ces stéréotypes ?

Communiquer. Ce que d’ailleurs sait très bien faire la femme. Ouvrir nos entreprises, les faire visiter aux écoles…

Est-ce que le mois de la femme reste nécessaire selon vous ?

Pour moi oui ! Je pense que les femmes du monde entier méritent un avenir qui soit égalitaire, libéré de préjugés, et toutes les femmes méritent d’avoir un avenir sans violence… il faut donc parler des femmes, il faut qu’elles soient sur le terrain, qu’elles prennent des décisions, car cela reste un combat très juste. Savez-vous par exemple que les femmes sont les oubliées de la santé ? Souvent les femmes sont sous-diagnostiquées, sous-traitées. Une femme sur trois est victime d’un infarctus ou d’un AVC. Ça me fait bondir ! Les femmes appellent le médecin pour leurs enfants ou leur mari, mais elles ont tendance à s’oublier.

A lire dans l’édition du Journal du BTP du 17 mars 2022.